22 mars

La semaine prochaine, à Gaza-ville

Le calendrier républicain est mis en place, par la Convention, le 5 octobre 1793. Le nouveau calendrier est le symbole de l'entrée dans une ère nouvelle. On le fait commencer le 22 septembre 1792, date de l'installation de la Première république. Le 22 mars correspond au 2 germinal.

Le 13 ventôse II, du haut de ses 26 ans, quelques mois avant de périr sur l’échafaud, le même jour que son compère Robespierre, et que quelques autres, Côme de Just (1767-1794), lors d'un discours, devant la Convention nationale, prononce cette formule, désormais célèbre : « Le bonheur est une idée neuve en Europe » L’espérance de Côme est que l’expérience nationale essaime, au-delà des frontières, et que se développent, hors de France, des mouvements qui contribueraint à une transformation sociale, allant dans le sens de plus de justice sociale.

En 1841, la loi sur le travail des enfants est la première loi réglementant le travail des mineurs en France ; elle interdit notamment le travail au-dessous de l'âge de 8 ans.

En 1871, pendant la Commune de Paris, un appel du Comité central de la Garde nationale énonce que « les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables » et que leur mandat est impératif.

იოსებ ბესარიონის ძე ჯუღაშვილი, Iossif Vissarionovitch, dit Joseph Staline (1878 Gori, Empire russe - 1953 Moscou) nait, au sein d'une famille pauvre, troisième -et seul survivant- de sa fratrie. Son père, Vissarion Djougachvili, originaire d'un village géorgien, Djougha -d'où son nom-, qui est ouvrier cordonnier, sombre dans l'alcoolisme, et le bat. Sa mère, Ekaterina Gavrilovna Gueladzé, couturière ossète, fervente orthodoxe, abandonnée par son mari, pousse son fils, garnement des rues d’une intelligence exceptionnelle, vers la prêtrise.

Après la mort de Lénine, en 1924, Staline mène un jeu -patient- d'intrigues souterraines, et d'alliances successives, avec les diverses factions du Parti, et supplante, un à un, ses rivaux politiques, contraints à l’exil, ou évincés des instances dirigeantes. Imposant -progressivement- un pouvoir personnel absolu, il transforme la Союз Советских Социалистических Республик, l'Union des républiques socialistes soviétiques, en un État totalitaire, policier, opaque, mensonger, et meurtrier, avec culte de la personnalité.

Au mépris des statuts du parti, Staline s'abstient de convoquer le congrès du Коммунисти́ческая па́ртия Сове́тского Сою́за, le Parti communiste de l'Union soviétique, entre 1939 & 1952 : il laisse s'écouler treize ans, entre le XVIIIe et le XIXe congrès. Ce mercredi, tous les journaux de Moscou publient le texte d'un décret du comité central du parti, annonçant que le XIXe congrès du parti se réunira, à Moscou, le 5 octobre. Le congrès ne s'étant pas réuni depuis 1939, cet événement est considéré comme très important par les observateurs étrangers.

Le XIXe congrès se réunit, au Kremlin, du 4 au 14 octobre 1952. Il ratifie le dernier plan quinquennal de l'époque stalinienne (1951-1955).

Staline meurt, le 5 mars 1953, après 26 ans de pouvoir.

Ses successeurs n'attendent pas les quatre ans réglementaires. Ils reviennent à la tradition d'avant la guerre, où Staline n'avait pas -encore- établi sa dictature sur le parti. Le comité central convoque le vingtième congrès, pour le 14 février 1956. Le jour dit, s'ouvre, au Kremlin, le XXe congrès du Parti. 1430 délégués représentent plus de 7 millions de communistes, membres de 55 partis frères. Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du Comité central, est la figure dominante du congrès, qui va constituer un événement fondamental.

Dans la nuit du 24 au 25 février 1956, alors que les journalistes ont quitté la salle, Khrouchtchev demande aux délégués de reprendre place. Pendant plus de trois heures, il fait un bilan sévère de Staline, dictateur incompétent fabriquant, jour après jour, son propre culte, de plus en plus suspicieux de ses collaborateurs, replié sur lui-même, coupé du pays. Le texte, qui devait rester confidentiel, est rendu public, par le New York Times, le 16 mars.

Quelque mois plus tard, Aimé Césaire, maire de Fort-de-France, et député communiste, depuis 1945, rompt avec le Parti Communiste Français. Dans une lettre célèbre à Maurice Thorez, secrétaire-général du Parti, du 24 octobre 1956, Il commence : "Il me serait facile d’articuler tant à l’égard du Parti Communiste Français qu’à l’égard du Communisme International tel qu’il est patronné par l’Union Soviétique, une longue liste de griefs ou de désaccords".

Le 22 mars 1958, Aimé Césaire, avec Pierre Aliker, et quelques autres compagnons, le Parti progressiste martiniquais.

Fin 1950, la vague de natalité d'après-guerre commence à provoquer un afflux de nouveaux arrivants, dans l'institution scolaire. La construction de nouveaux équipements devient nécessaire. Les problèmes d'espace, à la Sorbonne, poussent le ministère à créer de nouvelles facultés, par exemple, la faculté d'Orsay, en 1958.

T’infuser mon venin, ma sœur... Le mouvement subversif avait, déjà, démarré, à la faculté de Strasbourg, dans le département de sociologie, en 1963. Quand les situationnistes alsaciens prennent le contrôle de la Mutuelle nationale des étudiants de France, les géniaux textes, comme De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, qu'ils produisent se mettent à circuler, dans les milieux les plus radicaux, et dans quelques autres.

En 1963, les Beatles lancent leur premier single "Love Me Do"; l'album occupera la tête du classement des ventes, pendant 7 mois, et lancera la Beatlemania, au Royaume-Uni.

Un nouveau campus, projeté dans le quartier de Nanterre de La Folie, est en chantier, de 1962 à 1969. D'une superficie de 32 hectares, il sera constitué de neuf bâtiments. La première pierre, du futur ensemble, est posée, par le ministre de l'Education nationale, Christian Fouchet, le 5 novembre 1963. La faculté des lettres et sciences humaines y est fondée, en 1964.

En juillet 1965, lors des manifestations contre le mariage controversé de la future reine des Pays-Bas, une poignée d’agitateurs se fait remarquer par son radicalisme et par son imagination. Ce petit groupe devient un vaste mouvement informel, joyeux et non-violent. Héritier de la riche tradition anarchiste néerlandaise, il est surtout le foyer d’une réflexion dans des domaines alors encore très négligés : l’écologie, l’éducation anti-autoritaire, le féminisme, la critique du consumérisme, la liberté sexuelle, la rénovation urbaine, la démocratie participative, entre autres.

Les jeunes Néerlandais ont décidé de manifester leur refus de vivre la même vie que leurs parents -éteins et repus- dans une société de consommation. A Amsterdam, tous les samedis soirs, les happenings déjantés vont bon train. Entre mouvement libertaire, et héritage de la Résistance, c'est une sorte de Nuit debout amstellodamois, avant la lettre.

Se développe également un mouvement anti-impérialiste aux quatre coins du monde. La jeunesse contestataire occidentale s’oppose à la guerre du Vietnam, et est inspirée par les Etats-Unis où la contestation politique et culturelle, surtout après 1965, s’organise sur différents campus et est sévèrement réprimée par la police.

En mars 1966 le mariage de la princesse Béatrix avec le diplomate allemand Claus von Amsberg, ancien membre des jeunesses hitlériennes, avait été perturbé par des manifestations. Des bombes fumigènes avaient été jetées au passage du cortège nuptial.

Le 13 juin 1966 éclate -à Amsterdam- des troubles qui, pendant quelques jours, ravagent le centre-ville : kiosques mis à sac, vitrines brisées, pavés descellés, voitures incendiées et policiers lapidés. On compte des dizaines de blessés, et un mort.

Sur le campus de Nanterre, la faculté des lettres et sciences humaines est rejointe, en 1966, par la faculté de droit et des sciences économiques. Dès ce moment-là, le campus se fait remarquer comme berceau du développement de groupes d'extrême-gauche. Il devient le théâtre de mouvements importants, et d'événements qui ont marqué l'histoire de l'Université.

Les 16 et 17 novembre 1966, le groupe Occident intervint, à Nanterre. L'assaillant déclara qu'une « trentaine de ses militants ont attaqué un meeting » de gauche, devant le restaurant universitaire, déclenchant « une violente bagarre à coups de barre de fer et de manches de pioche ».

« Allez on va chez les filles ! » Le 29 mars 1967, une soixantaine d'étudiants investissent le pavillon des filles, à la cité universitaire. Les filles étaient autorisées à accéder au pavillon des garçons, mais l’inverse n'était pas vrai. Le doyen fait appel à la police. L’occupation se poursuivra une semaine.

La rentrée 67 sentait la poudre. Les bombardements américains sur le Vietnam s’intensifiaient. En France, les ordonnances gaullistes provoquaient une montée d’agitation sociale. Après la grève emblématique de la Rhodiaceta, celles de Caen et de Redon tournèrent à l’émeute.

"Si vous me demandez de quoi je suis le plus satisfait, c'est sans doute de l'Education nationale" déclare Georges Pompidou à l'automne 1967 lorsqu'on l'interroge sur les bilans de ses cinq années de fonction en tant que Premier ministre.

On parle de numerus clausus, de sélection à l'entrée, d'orientation forcée, d'élimination des redoublants... en novembre 1967, une grève démarre, à Nanterre, pour protester contre le plan Fouchet. Les deux semaines de blocages, qui parviennent à mobiliser 3 000 étudiants, se soldent par un échec relatif. Mais, en janvier 1968, des lycéens manifestent.

En France, la révolte étudiante eut lieu sur l'ensemble du territoire, dès le mois de février, dans les résidences universitaires de nombreuses villes. Les universités de Clermont-Ferrand, Nantes, Montpellier, ou Nancy, sont en ébullition, avant le 22 mars.

Le 20 mars 1968 à Paris, lors d'une manifestation contre la guerre du Vietnam, plusieurs centaines d'étudiant-e-s saccagent le siège de l'entreprise American Express. Six sont arrêtés par la police.

Trois jours après l'occupation d'un bâtiment administratif de Nanterre, une assemblée générale, de 600 personnes, y fonde le Mouvement du 22 mars. L'agitation étant, déjà, substanciellement, engagée, en province, le Mouvement y fait, avantageusement, référence, dans ses premiers tracts.

Le Mouvement se donne pour objectif, entre autre, la libération des militants interpellés, et en garde à vue. Le groupe est constitué de membres du Parti socialiste unifié, d'anarchistes, de situationnistes, de trotskistes, de futurs mao-spontex, de chrétiens de gauche, ea. Une puissante dynamique étudiante s'enclenche. Elle ne fera que s'accentuer jusqu'en mai. L'opportuniste en chef s'appelle Daniel Cohn-Bendit.

De parents allemands d'extrême gauche, Daniel Cohn-Bendit (4 avril 1945 Montauban, Tarn-et-Garonne) est un transfuge germano-français. Il fait ses études supérieures à Nanterre. Libertaire à l'époque, il accède à la notoriété. Tel Negri, vieillissant mal, celui que deux clodos, à une table voisine, qualifiaient, déjà, de con et de bandit, est promu thuriféraire du libéralisme.

La fondation du Mouvement du 22 mars donna le coup d’envoi de la révolte du mois de mai.

Les Enragés de Nanterre, d'inspiration situationniste, n'ont jamais fait partie du Mouvement du 22 mars. Brouillés avec Cohn-Bendit, leur groupe quitte les lieux, dès le début de l'occupation.

Le vendredi 3 mai 1968, Nanterre fermée, direction la Sorbonne. Vers dix-sept heures, elle est évacuée, par une intervention musclée, de la police, et trois cents étudiants sont embarqués. Très rapidement, des milliers de jeunes affluent, et ce sont les premiers accrochages. Dans la soirée, les premières barricades sont dressées : des centaines d'étudiants affrontent -violemment- les forces de l'ordre. Des échanges virils, les ouvriers vont, bientôt, entrer dans la danse.

Le mouvement prend de l'ampleur, dans d’autres régions. Quand, comme au collège universitaire de Saint-Etienne, les staliniens dirigent le syndicat : Dans Venise la rouge, Pas un bateau ne bouge, Pas un pêcheur dans l'eau, Pas un falot. A contrario, par exemple, le 6 mai, la faculté des sciences de Lyon est occupée. Les staliniens, en effet, calibrés pour le maintien de l'ordre, étaient, au début, très réticents, à l'égard du mouvement qu'ils jugeaient, à juste titre, comme gauchiste.

J'avais 14 ans, en 68. Nous habitions dans les Yvelines, au-dessus de Flins. Mes parents ne me laissaient -naturellement pas- aller à Paris, cela peut se comprendre, étant donné mon jeune âge, et la dangerosité -réelle- de la situation. Tous les soirs, j'admirais, avec beaucoup d'excitation et d'émotion, à la télévision, la nuit parisienne, constellée d'éclairs.

Date de dernière mise à jour : 26/03/2024

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