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Janvier

Assassinats de Liebknecht et Luxemburg

Au XVIIIe siècle, pendant la guerre de Sept Ans, Frédéric II de Prusse systématisa l'utilisation des Freikorps. Après la démobilisation de 1918, sur le terreau de la désorientation, et de la perte des repères, tant psychologiques que politiques, des anciens combattants, qui envisagent -difficilement- leur retour à la vie civile, des milices se forment. Qui recrutent, également, des aventuriers et autres laissés pour compte de la société bourgeoise : déclassés, marginaux, chômeurs. La tonalité politique générale, au sein de ce lumpenprolétariat, était d'extrême droite.

La Spartakusbund est un mouvement politique d’extrême gauche, marxiste révolutionnaire, actif en Allemagne, pendant la Première Guerre mondiale, et le début de la révolution allemande de 1918-1919. Elle tire son nom de celui de Spartacus, meneur de la plus grande rébellion d’esclaves de la République romaine. Ses principaux fondateurs sont Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.

Emil Eichhorn (1863 Röhrsdorf, Sachsen - 1925 Berlin) fut membre du Sozialdemokratische Partei Deutschlands, de l'Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands, puis du Kommunistische Partei Deutschlands, et député du Reichstag, en 1903-1912. Le 9 novembre 1918, Eichhorn est nommé préfet de police de Berlin.

L'assassinat de Karl Liebknecht (1871 Leipzig - 1919 Berlin) et de Rosa Luxemburg est préparé, dès début décembre. On put lire, sur des affiches placardées, dans tout Berlin : « Ouvriers, citoyens ! La patrie est tout près de sa ruine. Sauvez-la ! La menace ne vient pas du dehors, mais de l’intérieur : c’est le groupe Spartakus. Tuez ses chefs ! Tuez Liebknecht ! Alors vous aurez la paix, le travail et le pain ! »

Dans la nuit du 31 décembre 1918 au 1er janvier 1919, la Spartakusbund, qui s'était séparée, peu auparavant, de Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands, se réunit, avec d'autres groupes : les révolutionnaires se constituent en Kommunistische Partei Deutschlands, qui entend boycotter les élections du 19 janvier, et faire, de l'Allemagne, une « République des conseils ». En ce mois de janvier 1919, l’Allemagne vaincue est en ébullition.

"Révolution : mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ", in https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/revolution

En 1919, Makhno transforme les groupes de guérilla en une véritable armée, l'armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, dite Makhnovchtchina, qui compta jusqu'à 50 000 hommes. Voline combat dans les rangs de la Makhnovchtchina, avant d'être condamné à mort par Trotski puis finalement banni par le nouveau pouvoir soviétique.

Une série de révoltes, généralement connues sous le nom de mutineries de la mer Noire, survient, au sein des troupes terrestres, des bâtiments français de l’escadre de la mer Noire, et les villes portuaires, en 1919, alors que le gouvernement français soutient les forces tsaristes « blanches », dans la guerre civile russe, contre les révolutionnaires bolcheviques.

Ayant refusé, lors des « combats de Noël », de participer à la répression des marins, qui s'étaient mis en grève, Emil Eichhorn est démis de ses fonctions, le 4 janvier 1919.

Le Deutsche Arbeiterpartei, Parti ouvrier allemand, est un parti, issu de la transformation, le 5 janvier 1919, du Politischer Arbeiterzirkel. Parti d'extrême droite, pangermaniste, völkisch et antisémite, il faillit s'appeler Deutsche Sozialistische Arbeiterpartei.

Comme suite au limogeage d'Emil Eichhorn, l'Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands et le Kommunistische Partei Deutschlands appellent à une grande manifestation, le 5, à Berlin.

Les ouvriers se mobilisent, en un mouvement d'une ampleur inespérée. Les manifestants, parfois armés, construisent des barricades, bloquent de nombreuses rues, et occupent les locaux de plusieurs journaux. Le bruit court que des régiments se sont soulevés.

Le 6 janvier 1919, Karl Liebknecht appelle au maintien des occupations, et incite les ouvriers berlinois à se mettre en grève générale, et à faire tomber le gouvernement.

Le Sozialdemokrat Gustav Noske (1868 Brandenburg an der Havel, Königreich Preußen - 1946 Hannover, Niedersachsen), ministre de la Défense, reçoit les pleins pouvoirs du président Ebert, pour mener, à bien, la répression. Il déclare : « Il faut que quelqu'un fasse le chien sanguinaire : je n'ai pas peur des responsabilités ». La Reichswehr étant en capilotade, il délègue la charge de la répression, aux Freikorps.

Noske avait, clairement, demandé, à Ernst Julius Waldemar Pabst (1880 Berlin - 1970 Düsseldorf, Nordrhein-Westfalen), anticommuniste, contre-révolutionnaire, fabricant d'armements, criminel, contrebandier, putschiste, qui considérait la démocratie comme un bac à sable réservé aux mauviettes, d’intervenir, contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg : « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire ».

Noske, Sozialdemokrat, lache, sur Berlin, les Freikorps, qui prennent en mains la répression de l'insurrection. Elle sera proportionnelle à l’ampleur du mouvement. L'insurrection est écrasée, au cours de la « Semaine sanglante », du 11 au 15 janvier 1919.

Deux jours avant l’assassinat de Liebknecht et Luxemburg, on pouvait lire, dans le Bulletin d’information du corps franc auxiliaire de Berlin : « On entend parfois s’exprimer la crainte que le gouvernement ne relâche son action contre les Spartakides. Comme l’assurent de plusieurs côtés des personnes importantes, il n’est pas question de se contenter des résultats atteints à ce jour. On ira jusqu’au bout contre les chefs du mouvement. »

Rosa Luxemburg fait paraître, le 14 janvier 1919, son dernier article, amèrement intitulé : L'Ordre règne à Berlin.

Le 15 janvier, le dernier article de Karl Liebknecht, titré "Malgré tout !", parait, dans « Die Rote Fahne ». Rosa Luxemburg, l’icône intellectuelle marxiste, vient, tout juste, de sortir de prison. Rosa et Karl Liebknecht (48 ans, tous les deux), fondateurs, deux semaines auparavant, du Kommunistische Partei Deutschlands, sont arrêtés, dans le petit appartement du 53 Mannheimer Strasse, dans le quartier de Wilmersdorf, où ils se cachaient, par des hommes de Pabst .

Les militaires les amènent à l'hôtel Eden, le quartier général de la Garde-Kavallerie-Schützen. Les deux militants sont interrogés. Pabst écrivit: « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. ». Rosa refuse de répondre aux questions de Pabst. Deux violents coups de crosse lui sont assenés, elle s'effondre.

Le soir même, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont trainés, à demi inconscients, hors de l’hôtel Eden. Les Spartakistes devaient mourir d'une mort honteuse. Rosa est jetée, inanimée, dans une voiture. 

Alors que le véhicule vient de démarrer, elle est achevée, d'une balle dans la tête, par le lieutenant Kurt Vogel (1889-1967). Son corps est jeté dans le Landwehrkanal, au pont de Lichtenstein : “Elle nage, la salope”. La dépouillle de Rosa n’y a été retrouvée, que quelques mois plus tard.

Karl Liebknecht est exécuté, le même jour, de trois balles, à bout portant, à Tiergarten. La presse rapporta que Liebknecht avait été abattu, alors qu’il tentait de fuir, et que Luxemburg avait été lynchée, par une foule en colère.

Bientôt, l’ogre règne à Berlin. L'insurrection est écrasée, fanfaronne la presse bourgeoise. La réalité est que les sociaux-démocrates ont, toujours, été terrorisés par Rosa Luxemburg, même devenue cadavre.

L’assassinat de Luxemburg et Liebknecht marque une nouvelle étape, dans la violence bourgeoise. Jusque-là, l’État, comme dans la répression de la Commune de Paris, en 1871, avait su prendre une revanche sanglante, contre les ouvriers révolutionnaires, par des exécutions massives. Mais l’assassinat de dirigeants d’un parti révolutionnaire, par des organes de l’État, sans procès, ni jugement, était un phénomène nouveau, qui allait, malheureusement, constituer un précédent.

Rosa Luxemburg comptait parmi les révolutionnaires marxistes les plus remarquables de son temps. Elle s’est fait connaître, notamment, par ses polémiques, virulentes, contre les politiques de guerre des sociaux-démocrates.

Elle était, également, une opposante acharnée des politiques qualifiées de « socialistes de gauche » par le Parti de gauche. Une grande partie de ses écrits sont des polémiques contre Édouard Bernstein, Karl Kautsky et d’autres représentants de ces politiques, qui se retrouvent inévitablement du côté bourgeois des barricades lorsque la lutte des classes s’intensifie.

L'aura de Rosa dépassera, largement, le cercle des militants. Dans la poitrine de la révolutionnaire anarchiste, battait le cœur d’une grande idéaliste.

Date de dernière mise à jour : 27/02/2024

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